JOURNAL
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Le Cyber Coming-Out (1ère partie) |
Ve. 15/05/98
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Ma première entrée dans ce journal. Déjà,
je peux sentir comme il est plus dur d'écrire quelque chose que
de se le dire… Je me suis déjà imaginé des paragraphes
entiers que je pourrais écrire, mais à présent, devant
mon clavier, tout m'est sorti de l'esprit.
A quoi ce journal va-t-il me servir ? Je n'en sais absolument rien. Toujours est-il que j'avais déjà songé souvent à en écrire un, sans jamais m'y mettre. Ce soir, tout d'un coup, je m'y suis décidé. Mais que vais-je pouvoir y écrire ? Dois-je TOUT dire ? Et puis-je tout dire ? Il est vrai que cette 19è année de ma vie m'a beaucoup changé, sur tous les niveaux. Oh oui, j'ai changé ! Evidemment, je suppose que de l'extérieur, personne n'a rien vu… C'est bien logique… Ceux qui m'importent réellement sont devenus si distants qu'il leur serait bien impossible de voir quoi que ce soit… ou bien se doutent de tout et préfèrent en rire sans vouloir y croire. Quand je pense que c'est Julien qui est le plus proche de la vérité… "Nicolas, je ne sais pas pourquoi, mais tu n'es pas sûr de toi… Il y a quelque chose qui fait que tu es différent… et je trouverai ce que c'est, je trouverai !", disait-il. Différent, oui… mais je ne pense pas qu'il trouvera ! Je vois bien que je suis brouillon dans mes pensées… Ce journal ne sera sûrement qu'un ramassis d'idées pêle-mêle, sans ordre apparent. Mais qu'importe ! je suppose qu'il n'est pas fait pour être lu… Qui pourrait bien vouloir le lire, d'ailleurs ? |
Ve. 15/05/98
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Après un petit tour sur le Net, je suis de retour.
Bien, je crois que ce ne sera pas ce soir que j'écrirai tout ce que je voulais écrire… Là, je tombe de sommeil ! Alors peut-être demain aurais-je le courage de m'exprimer pleinement, de faire un pas de plus vers la liberté… qui sait. Mais j'y repense : vais-je devoir écrire tout ce que je sais déjà, alors que personne n'est censé me relire ? Ou dois-je commencer tout de suite à noter mes pensées au vol ? Oui, là se situe déjà un problème : un journal intime a-t-il besoin d'une introduction, ou non ? A mon avis, oui. D'autant plus que ça ne peut qu'être bénéfique pour moi… Mettre à plat tout ce qui s'est passé d'important jusqu'à ce jour, quel boulot ! Promis, demain, je m'y mets ! |
Di. 17/05/98
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Déjà une promesse non tenue : hier, je n'ai pas réussi
à continuer ce journal… A vrai dire, je ne crois pas que j'y arriverai
cette semaine… La notion de "journal intime" est un peu trop fraîche
pour moi, et je ne saurai m'exprimer correctement, je crois.
En tout cas, je commence (déjà !) à ressentir ce journal comme une sorte de corvée… D'un autre côté, j'ai pourtant tellement envie de pouvoir m'exprimer pleinement, de ne plus me cacher… Bon, allez… je ne sais pas pourquoi, mais j'ai comme des fourmis dans les doigts, il faut que ça sorte maintenant… Accrochez-vous, voici la révélation de l'année : je suis gay ! Et paf, le correcteur orthographique de Word qui refuse mon coming-out ! (et re-paf, ça non plus, il ne connaît pas) Waouh ! Alors, des réactions ? Pour ma part, je me rends compte que ce n'était pas si dur que ça, et de toutes façons, je m'y étais (ne serait-ce qu'inconsciemment) préparé. Donc pour ceux qui –à l'inverse du correcteur orthographique de Word– connaissent ce terme, vous venez d'assister à mon premier coming-out. Evidemment, je ne sais pas s'il a beaucoup de valeur, puisqu'il n'est adressé à personne… Et je m'imagine pas encore en train de faire la même chose à l'oral, en m'adressant à quelqu'un. Faisons un petit saut dans le passé, histoire de "comprendre" comment tout a commencé… Comme ça a été le cas de la majorité des gays qui ont publié leur histoire sur Internet et que j'ai pu lire, j'ai tout d'abord commencé par ressentir un certain plaisir d'être avec des personnes du même sexe que moi, ou tout du moins, ressentir quelque chose que je ne sentais pas avec des filles, croyant qu'il s'agissait là d'une passade de l'adolescence… une sorte d'âge bête sur le plan affectif. Surtout qu'à cette époque, les homos étaient complètement rejetés par la société, et je ne POUVAIS donc pas être gay ! Mais de passade, ça a doucement glissé vers un état d'esprit, et d'état d'esprit, c'est devenu une solide certitude. Et il faut bien dire que de nos jours, les gays ne sont toujours pas acceptés. Je peux à peu près comprendre ça, mais dans certains cas, cette homophobie m'énerve franchement. Ce qui fait que je me retrouve parfois dans des situations assez spéciales où je voudrais gueuler, mas je ne peux pas réellement. Imaginez : un copain, parlant d'un de ses copains de classe de l'année précédente m'explique qu'untel était «un vrai P.D.». Il le trouvait sympa, mais bon, bien qu'il «n'a rien contre les P.D.», il ne pouvait plus le voir, même en peinture. S'il avait su qu'il parlait à un homo, je ne sais pas s'il aurait utilisé les mêmes termes… Car il est vrai que je me sens bien seul. J'en arrive parfois à croire que je suis vraiment le seul à être dans cette situation. Alors vous comprendrez que j'ai besoin de m'exprimer, besoin de pouvoir tout dire à quelqu'un. Le pire, c'est que je ne peux même pas le dire à mon meilleur ami. On s'est pourtant toujours tout dit… J'ai pu lui dire des choses que je n'aurai dit à personne d'autre, et c'était réciproque. Mais de ce fait, j'ai trop peur de le perdre. Il est tellement important à mes yeux… d'autant plus que j'ai déjà perdu ainsi un autre ami, un vrai, lui aussi, pour une histoire bien plus futile. Du coup, j'ai fait quelques tentatives sur Internet. C'est vrai que c'est plus facile quand on parle à une personne de l'autre bout du monde, qui ne vous connaît pas. Mais à présent le réseau s'est tellement développé que je commence à avoir peur que quelqu'un qui me connaît ne tombe dessus. Encore et toujours, c'est peut être contradictoire, mais c'est peut-être ce que j'attend : que quelqu'un découvre mon "état", pour que je sois obligé de me découvrir auprès de tous, sans pour autant à avoir à faire le premier pas. Sur un tout autre plan : vous connaissez "In & Out" ? C'est une comédie dans laquelle un professeur de lycée voit son homosexualité révélée à la télévision, alors qu'il était encore "in the closets" (pour ceux qui ne connaissent pas le terme, cela signifie qu'il n'avait pas encore "avoué" son homosexualité à son entourage). C'est un film qui est passé assez inaperçu au cinéma, puisque c'était loin d'être une grosse production. Mais pourtant, j'ai profondément aimé ce film. Pour une fois que j'ai pu sincèrement rire de l'homosexualité… Parce que les blagues sur les P.D., ça va une fois, mais après… Oui, je suis obligé de m'accrocher à tout ce que je peux… un film, une émission T.V. traitant du sujet, un couple d'homos passant dans la rue… C'est à chaque fois le sentiment –pour quelques minutes– que je ne suis finalement pas seul. Mais ça passe vite… Tiens, encore hier soir, au cinéma (je suis allé voir "Le loup garou de Paris" –très beaux effets spéciaux à mon goût, en passant– ), j'ai vu entrer deux mecs, cheveux courts, blonds… Je ne sais pas pourquoi, mais je suis sûr à 90% que c'étaient deux homos. En plus, s'étant assis juste devant moi, j'ai eu tout loisir de les observer. Là encore, quel plaisir (oui, en passant, il faut préciser qu'en plus, ils n'étaient pas franchement moches, à mon goût…) ! Ah oui, j'y pense : peut-être qu'en lisant ces lignes, ceux qui étaient à l'internat avec moi, au Jean Perrin, comprendront pourquoi depuis un long moment, je ne m'habille qu'en noir… Depuis qu'on m'a reproché que le noir est une couleur de P.D., ça m'a poussé à ne plus mettre que du noir ! …et puis le noir, ça colle bien avec mon état d'esprit ! L'internat… ça aussi, c'est un sujet qui n'est pas trop compatible avec le fait d'être homo… Mais tout cela va prendre du temps à expliquer, et je dois prendre mon train pour Lyon dans quelques minutes… To be continued ! |
Di. 24/05/98
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Après cette semaine passée à Lyon, je me suis
décidé d'apporter mon portable à l'internat, afin
de mettre à jour mon journal plus facilement, puisque même
les week-end, c'est plutôt dur de trouver le temps de s'y mettre.
En plus, je crois qu'il vaut mieux pouvoir écrire les "articles"
au jour le jour, plutôt qu'une fois par semaine ! D'autant plus qu'avec
ma super mémoire, j'ai déjà oublié tout ce
que je voulais dire la semaine dernière.
D'un autre côté, il y a le risque que quelqu'un tombe dessus et le lise... Mais une fois de plus, c'est peut-être ce que j'attends, au fond: pouvoir faire mon coming-out sans avoir à faire le premier pas. En tout cas, on peut déjà remarquer une chose: si la semaine dernière, je ne pensais même pas être lu, à présent, j'écris en m'adressant à quelqu'un, comme si on pouvait avoir envie de me lire... |
Lu. 25/05/98
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Bien, je crois qu'il est temps que je me mettre aux choses sérieuses,
et que je commence à parler de mes relations avec ceux que je côtoie.
Mais par qui commencer ? Et jusqu'à quand dois-je retourner en arrière ? Bon, pour trancher, je crois que je vais suivre l'ordre chronologique, c'est à dire l'ordre de mes "rencontres" au lycée Jean Perrin...
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Lu. 25/05/98
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Pour changer, je vais tenter de faire une entrée en pleine journée,
pendant la pause de midi... Ca risque d'être dur, parce qu'avec toute
l'agitation qu'il y a à l'internat... Mais bon, c'est un truc à
essayer...
Je vais aussi arrêter ma "liste" pour un moment, histoire de commencer
à réellement parler de ce qui s'est passé au jour
le jour !
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La suite : 2è partie (du 25 mai 98 au 11 juin 98)Un E-Mail ? gaytitnow@free.fr
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